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Journée maussade dans un petit bourg humide au fond de l’Irlande. Il tombe une pluie battante et les rues sont abandonnées. Les temps sont durs, tout le monde est endetté tout le monde vit à crédit.
Arrive un touriste allemand riche. Il arrête sa belle voiture devant le seul hôtel de la ville et il entre. Il pose un billet de 100 EUR sur le comptoir et demande à voir les chambres disponibles afin d’en choisir une pour la nuit. Le propriétaire de l’établissement lui donne les clés et lui dit de choisir celle qu’il veut.
Dés que le touriste monte l’escalier, l’hôtelier prend le billet de 100 EUR, file chez le boucher voisin et règle sa dette envers celui-ci. Le boucher, qui doit de l’argent À un éleveur de porcs, se rend immédiatement chez lui et lui donne le billet de 100 EUR. L’éleveur à son tour règle ses dettes envers la coopérative agricole où il achète ses fournitures.
Le directeur de la coopérative court au pub, régler son compte au bar. Le barman, glisse le billet à la prostituée qui lui fournit ses services à crédit déjà depuis des semaines Celle-ci, qui utilise l’hôtel professionnellement, court régler son compte avec l’hôtelier. L’hôtelier pose le billet de 100 EUR sur le comptoir où le touriste l’avait posé auparavant.
Le touriste descend l’escalier, annonce qu’il ne trouve pas les chambres à son goût, ramasse son billet et s’en va. Personne n’a rien produit, personne n’a rien gagné, mais personne n’est plus endetté et le futur semble beaucoup plus prometteur.
C’est ainsi que fonctionnent les plans de sauvetage que l’on prévoit pour les pays d’Europe en difficulté…….
Bonjour,
Veuillez m’excuser de faire irruption dans votre cyber-espace personnel, mais j’ai une remarque concernant cette parabole sur la dette qui me paraît suffisamment importante pour ne pas la garder pour moi.
En fait, le parcours de ce billet de 100€, tel qu’il est présenté dans cette parabole, est subtilement et dangereusement fort différent de la réalité. Pour qu’elle soit plus proche de la réalité, il faudrait (une possibilité) deux modifications:
– préciser que le riche touriste allemand est un banquier, un trader ou PDG d’une grande entreprise (cette précision est importante pour une raison que vous verrez ensuite, mais elle est aussi intéressante car selon « manières de voir » de septembre 2011, environ 90% des millionaires français actuels appartiennent aujourd’hui à une de ces 3 catégories professionnelles – ce qui n’était absolument pas le cas il y a 30 ans). J’opterai ici pour un banquier, car, bien que caricatural et surfait, cela me facilite la deuxième modification:
– à la fin, le touriste (banquier donc) ne part pas, mais il choisit une chambre, et l’hôtelier lui rend son billet car c’est son banquier et que ces 100€ représentent les intérêts de son prêt.
Donc au final le touriste/banquier n’a même pas utilisé son billet et va pourtant profiter de sa chambre.
Concrètement, la différence fondamentale entre la version que vous avez copié ici et celle que je propose est la suivante: le circuit de l’argent n’est pas un flux fermé, mais il fini par s’accumuler à un endroit. C’est le principe du capitalisme. Et c’est d’autant plus vrai au niveau des institutions internationales (donc européennes), qui fonctionnent selon un modèle 100% capitaliste. Au niveau des individus c’est un peu moins vrai, car les rapports humains atténuent un peu ce phénomène.
Cette remarque est importante car à mon avis, aujourd’hui où nous sommes tous européens, il est primordial de comprendre comment fonctionne l’Europe. Il est important de comprendre, par exemple, comment la politique de l’Europe est en grande partie, et de plus en plus, régie par des institutions non démocratiques (la BCE, la SEAE, etc.), ce qui fait que notre Europe tient en réalité plus d’une aristocratie que d’une démocratie.
Et au delà du fait que l’europe n’a presque rien d’une démocratie, il est primordial de comprendre comment l’économie européenne fonctionne, puisque c’est à peu près la seule chose qui est vraiment commun à tous les pays membres. Et le modèle économique européen est 100% capitaliste (gravé dans le marbre – impossible à modifier – par un certain traité dit « de lisbonne ») et d’orientation dite « néo-libérale » (l’un n’implique pas l’autre. On peut être capitaliste mais pas néo-libéral, comme la Chine par exemple). Je n’aime pas le terme de « néo-libéral », car c’est un mot valise trop vague, je précise donc qu’ici je l’utilise dans le sens des « 4 piliers du néo-libéralisme » (peu d’état, inégalités importantes, liberté de mouvement des capitaux et des moyens de production, concentration financière et prédominance de la finance dans le modèle économique).
J’insiste une dernière fois: cette parabole du billet de 100€, telle qu’elle nous l’est présentée ici, pourrait faire penser que l’argent circule indéfiniment entre les citoyens. Mais en réalité ce n’est pas le cas: l’argent fini dans un puit, qui est une banque. C’est la raison pour laquelle un ingénieur aujourd’hui gagne 2 à 3 fois moins qu’un ingénieur de 1980. C’est la raison pour laquelle TOUS les états sont fortements endettés. Si les états se devaient seulement de l’argent entre eux, ce serait vite réglé: il ne faut pas sous-estimer son adversaire, et croyez-moi, ceux qui contrôlent les grands flux d’argents sont tout ce que vous voudrez sauf stupides.
C’est une question compliquée, et je ne suis pas sûr d’être parvenu à expliquer clairement ce que je voulais dire. Je ne suis pas bon pédagogue. Mais je fais ce que je peux.
Bien amicalement,
rOd.
Désolé pour le retard de mise en ligne.
Assez d’accord avec votre analyse. L’endettement auprès des banques privées date de 1973 qui pompe le »puits » des intérêts…
J’ai mis à jour l’article sur le bi-monétarisme :
J’ai intégré l’analogie à la circulation humaine de Jean Morier-Genoud. Intéressant !
Amitiés.
BH